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Le quotidien, le politique, le quotidien et le politique

Publié le mercredi 17 avril 2013

Le quotidien est politique. Le quotidien des palestinien-ne-s est particulièrement politique. Peut-être c’est cette réalité que je trouve si difficile à décrire quand je vis ici. Quand on parle de Palestine, on parle de soldat-e-s, de checkpoints, de murs et d’agressions de colons. D’une certaine manière, l’occupation, c’est ça, c’est vrai. Mais ces réalités violentes ne sont aussi que l’arbre qui cache la forêt, que les manifestations les plus radicales et les plus visibles de la grande machine à broyer la société palestinienne qu’est l’occupation israélienne.

Parler avec des chauffeurs de taxis, qui font à peu près tous autre chose de leur vie et qui ont eu une carrière avant. Ils sont DJ, professeurs, ingénieurs, ... Mais ils sont aussi chauffeurs de taxi, où ils le sont devenus. Pourquoi ? Parce qu’on ne trouve pas de travail ici dans d’autres branches. Partir ailleurs, émigrer, c’est parfois possible, mais ça veut dire se couper de la famille, des ami-e-s, se retrouver dans un pays étranger, se séparer de sa ville. Alors ils restent, ils reviennent et ils deviennent chauffeurs de taxis parce qu’il faut bien vivre. Parce qu’une économie sous occupation, c’est une économie de petits commerces et d’artisans. Et puis parce que c’est mieux que de travailler dans le bâtiment, aussi.

Parler à un ami qui est infirmier et qui n’a pas été payé pendant quelques mois. Depuis deux mois, lui et ses collègues sont à nouveau payé-e-s, mais ce n’est pas très clair quand les mois d’impayés seront totalement remboursés, ni même si ils le seront un jour. Parce que l’Autorité Palestinienne n’a pas d’argent, particulièrement après la reconnaissance d’un Etat Palestinien à l’ONU, vu que le gouvernement israélien ne lui verse plus l’argent des taxes. Parce que c’est la crise, et que les donneurs internationaux ne donnent plus autant. Parce que l’essentiel du budget gouvernemental doit passer à la "sécurité" pour satisfaire Israël, les Etats-Unis et les pays européens. Il faut mieux payer les forces de sécurité que les infirmier-e-s.

Parler avec une coordinatrice associative qui nous explique que les militant-e-s de son association ont préparé une solide réforme du code civil et du code de la famille pour permettre plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Sauf que depuis 2006, le parlement palestinien n’est qu’une coquille vide, puisque Israël maintient en prison 27 de ses membres (à peu près 40% du parlement), et que la séparation entre Gaza et la Cisjordanie grandit de jour en jour. Alors, depuis sept ans, les évolutions politiques et législatives sont bloquées en Palestine, et la société continue de devoir subir certaines lois qui datent du gouvernement jordanien dans les années 60, voire même du gouvernement britannique, dans les années 20.

Parler avec un autre ami, qui est lui aussi coordinateur associatif, et qui ne sait pas s’il sera payé ce mois-ci ou le mois d’après. Impossible de trouver des subventions de fonctionnement, difficile de trouver d’autres sources de financement dans une société déjà occupée à gratter des soux à droite à gauche. La conséquence, c’est qu’il faut faire du projet, manier le langage si formidable des institutions financières internationales et que les rentrées d’argent sont aléatoires. Pour les militant-e-s, ça veut dire accepter de mettre en pause sa propre vie pour faire tenir les associations.

La nuit, entendre des explosions régulières. Ne jamais être sûr-e si sont des pétards ou des armes, si il s’agit d’une fête ou d’une incursion de l’armée israélienne. Inversement, entendre un avion survoler les immeubles, et être sûr qu’il s’agit d’un F16 israélien puisque aucun autre avion n’est autorisé à survoler cette zone.

Finalement, c’est peut-être ça l’occupation, l’impossibilité d’oublier où on vit, dans quelles circonstances politiques et avec quelles contraintes. L’impossibilité de séparer son quotidien de la situation géopolitique. L’impossibilité de délier sa petite histoire et la grande histoire.

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