Accueil > Palestine > Palestine ici et ailleurs > Délégations > Délégation de découverte de la Palestine (Déc. 2013 / Janv. 2014) > Rencontre avec A., enseignant dans un village palestinien près de (...)

Rencontre avec A., enseignant dans un village palestinien près de Naplouse

Publié le jeudi 2 janvier 2014

En Palestine, il y a trois écoles : l’école dans les camps de réfugiés, dont les fonds de fonctionnement viennent de l’UNRWA, l’école publique dans les villages palestiniens, financée par le gouvernement palestinien et l’école privée.

En ce moment, les enseignants sont en grève pour plusieurs raisons.

  • un financement de misère pour acheter le matériel pédagogique, se fournir en eau et électricité, un équipement vétuste, des salles inadaptées pour l’enseignement, un effectif par classe pouvant aller jusqu’à 40 élèves.
  • un salaire de misère pour les enseignants qui n’ont plus rien à la moitié du mois, qui ne peuvent, avec ce qu’ils gagnent, élever leurs enfants.

Pour enseigner aux enfants, c’est vraiment dur. Les élèves ne peuvent bien travailler, beaucoup ont des problèmes qui ne peuvent être pris en charge. Par exemple, dans ma classe, j’ai un enfant qui n’entend pas et n’est pas appareillé, un autre qui a des problèmes de langage. Il y a aussi de nombreux problèmes dus à la situation des familles, les enfants ne peuvent s’acheter le matériel dont ils ont besoin, les vêtements de sport ou autres. Alors, certains volent pour ça. Le gouvernement n’aide pas pour ces problèmes, ou très peu. Il y a des écoles spécialisées, des instituts, mais les parents doivent payer alors beaucoup d’enfants n’y vont pas.

J’ai mon neveu qui n’est pas bon à l’école. Alors, que fait la famille qui est pauvre ?Mon neveu a arrêté l’école et va travailler à 14 ans. De toute façon, on a beaucoup d’enfants qui arrêtent l’école pour travailler et aider leur famille.
La situation globale n’est pas bonne. Notre enseignement est très classique, on n’a pas le choix. Tous les jours, on enseigne avec seulement un tableau noir en face de nombreux élèves (l’ouverture d’une classe se fait quand l’effectif est supérieur à 40). Si on avait moins d’élèves, du matériel, des locaux, ce serait différent. Si on nous donnait de bonnes conditions et qu’on nous payait correctement, ça changerait tout, on serait meilleurs, on donnerait une meilleure éducation. On n’a pas d’autre choix que de faire grève.

Quand on fait grève, on a trois étapes.

  • La première, c’est de ne donner que 4 cours sur les 6 journaliers. Alors, on arrête la classe à 11h au lieu de 13h.
  • Lors de la deuxième étape, l’enseignant reste à l’école, sans élèves, et quitte l’école à 11h. Les élèves sont informés avant.
  • La dernière étape, personne ne va à l’école.
    C’est l’United for Teachers qui organise les grèves. Parce que si on fait quelque chose seuls, on sera arrêté mais si on est organisé, ce n’est pas la même chose.

Je suis réfugié, je vis dans le camp mais je n’y enseigne pas, car il n’y a pas assez d’écoles, alors je vais dans un village à côté pour être instituteur.
Pour travailler dans une école pour réfugiés, il faut être réfugié. On signe un agrément avec l’UNRWA chaque année. Ceux qui paient nos salaires ne sont pas les mêmes : l’UNRWA pour les camps et le gouvernement palestinien pour les autres villages et villes hors camps. Les grèves ne sont pas forcément faites ensemble.
La situation des enseignants des camps, au niveau du salaire, est un peu meilleure, ils sont un peu mieux payés que ceux qui travaillent dans les écoles gouvernementales des villes et des villages palestiniens en dehors des camps [1]. Mais par contre, la situation est pire pour les élèves des camps de réfugiés. Parce que bien sûr, ils vivent dans les camps, ils sont pauvres, leurs familles sont pauvres. A la campagne, par exemple, il y a des olives, de la terre pour cultiver. Dans les camps, il n’y a rien, la vie est plus dure.

Le programme, les livres sont identiques, mais par contre, la façon d’enseigner est différente. A Ramallah, il y a une école de formation pour les enseignants des réfugiés et le système, la méthode d’enseignement est différente, plus ouverte. Je voulais y aller mais je n’ai pas pu. Quand j’étais étudiant, c’était la 2ème intifada et c’était trop compliqué, trop dangereux pour s’y déplacer à partir de Naplouse.
Il y a trois niveaux dans l’enseignement : de 6 à 11 ans, de 12 à 14 ans puis de 15 à 17 ans. La séparation des niveaux se fait ou non en fonction des effectifs, de la grandeur du village, ça dépend de chaque école, de là ou elle est. Par exemple, dans mon village, il y a une seule école, divisée en deux, pour tous les niveaux. Dans les camps de réfugiés, c’est jusqu’à 14 ans. Pour continuer et suivre le dernier degré, il faut partir ailleurs. Beaucoup n’y vont pas, car c’est trop cher pour les familles.

Je fais classe 5 jours par semaine, avec chaque jour 6 cours de 40 mn et une pause de 5 mn entre chaque cours.
Mais là, en ce moment, je suis en grève...

S.

Notes

[1Pour autant le salaire est de loin inférieur (de trois ou quatre fois) par rapport aux salaires des internationaux travaillant à l’UNRWA !

CEMEA Pays de la Loire - 15 bis allée du comandant Charcot - 44000 Nantes - 02 51 86 02 60 SPIP | réalisé et hébergé par les CEMÉA Pays de la Loire | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0