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Une nana pas de Gafsa à Gafsa (extrait)

Publié le lundi 17 mars 2014

15 jours que je suis en Tunisie et je me décide enfin à écrire sur mes ressentis en tant que femme étrangère ici …

A Gafsa, j’ai toujours pas croisé d’autres internationaux qui aient l’air d’habiter ici, ou même de passer.
Quand on marche à deux dans la rue avec Rom, on nous regarde, certes, mais un truc de curiosité qui me semble pas tellement insistant. On ne nous crie pas des mots, ni on ne nous siffle. Souvent, les femmes qu’on croise me sourient.
Et puis sur la répartition de l’espace, un constat : les hommes sont en place, détenteurs de l’espace public, ils peuvent rester là sans raison. Les terrasses de cafés sont tournées vers la rue, ce qui donne un coté point d’observation. De toute façon, à en déduire de discussions, un homme, ca reste pas chez soi, un homme c’est dehors.

Les femmes, elles passent. Elles vont d’un point A à un point B. Un déplacement semble impliquer un but.
Quand je marche seule dans la rue, ca me semble différent. Des regards que ces messieurs se permettent plus insistant. Des mobylettes qui passent avec des têtes qui se tournent. Et là, me vient une envie : avoir le pouvoir de faire pousser des poteaux au milieu de la route … et avec du barbelé les poteaux !
Des sifflements, des mots aussi que je ne comprends pas.
Révoltant. Et non, je ne m’empêcherai pas de passer devant ces deux cafés remplis de mecs, pour rentrer chez moi. Les jours de petite forme, je change de trottoir...

Et puis il y a les déplacements seule, la nuit. Ici, il fait nuit à 18h30.
A voir les gen-tes vivre, beaucoup de femmes doivent être de retour chez elles à 18h. Apparemment ca change avec les jours qui rallongent, ou pendant le ramadan.
Hier, j’ai profité qu’un copain oublie un truc à la maison pour me faire un aller retour maison-centre ville seule à 20h, ma première sortie « nocturne » solo … Marche vive, allure droite, regard droit aussi … Sifflement.
Et petite pépite : me voilà arrivée au Down Town, je rentre dans le passage et derrière moi j’entends un « Salam mi chirie, ti vi pridre i kifi avec moi ? » (j’exagère même pas l’accent)
Je me retourne et lance une insulte, à demi-mot … he oui, pas envie de faire esclandre. Je sais, c’est con. Mais mes lâchers d’insultes françaises en Palestine, ca m’allait parce qu’ils ne comprenaient pas les mots mais étaient bien surpris de l’intonation et de la réaction, c’était le but d’ailleurs. Là c’est différent. Mais bon, ils étaient déjà parti.

Alors y a ce qui se passe, et puis y a les réactions des copains d’ici.
Les copines, j’ai pas encore trouvé d’espaces non-mixtes dans lequel on puisse se retrouver et en parler. Même si on se voit au café, ya les copains qui passent à la table, et puis c’est le café quoi .
Alors que les gars, j’ai réussi plusieurs fois à lancer mon énervement et à le leur dire.
J’ai pu voir des réaction de surprise, des rires, des sourires génés.
Et puis quand même, hier soir, l’histoire en bas du café, je suis donc arrivée trèèèès enervée dans le café, où se trouvait deux copains. Ils captent tout de suite à ma tête qu’il y a quelques chose, alors je leur raconte, et j’ai eut le droit à un « Où ils sont ? », en se levant … comme dans les films ! Et puis l’autre c’était : « La prochaine fois, invite les à venir boire le café ici, on les recevra ! »
Alors même si c’est pas des vraies solutions, j’y penserai peut-être si ca se reproduit. Eh oui, je crois que ca m’a fait quand même du bien qu’ils réagissent, qu’ils aient l’air énervés eux aussi.
J’ai quand même refusé qu’on me raccompagne jusqu’à ma maison et j’ai bénie le sweat à capuche qui, de nuit, dans une ville quasi sans éclairage public, sème le doute. J’ai pas envie de me mettre au baguie pour autant.

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