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Bienvenue à Gafsa

Publié le jeudi 1er mai 2014

Bienvenue à Gafsa. Bienvenue dans un endroit ensoleillé, où les murs blancs des maisons vous renvoient une lumière à vous en faire fermer les yeux. Bienvenue dans les rues aux routes un peu défoncées, où voitures, piétons, mobylettes et scooters (et quelques vélos par-ci par-là) cohabitent de près. Bienvenue dans une ville où l’on vous promet de vivre dans une chaleur étouffante d’ici peu, et où la notion de tempête de sable ne renvoie pas aux quelques grains baladés par les bourrasques d’avril.

Vue du centre-ville de Gafsa depuis la place des arts

Bienvenue dans cette ville et cette région (celle du bassin minier) d’où beaucoup parlent de partir. « Après mon bac, je pars d’ici », me dit un garçon en classe de terminale. « Et tu penses aller où ? ». Le mur du bistrot est décoré de photos de la Tour Eiffel et de Marylin Monroe. Rêve-t-il de l’Europe, de l’Amérique du Nord ? Il me répond : « Où, je ne sais pas. Peut-être à Alger ». Une partie de sa famille est algérienne. « C’est plus vivant là-bas, ici il n’y a rien à faire. Les gens sont tristes ».

Bienvenue dans cette ville et cette région que certain.e.s rêvent de rendre meilleures. Leur vie est ici depuis la naissance, celle de leur famille depuis parfois plusieurs générations : leur avenir est solidaire de celui des gens d’ici. Le panneau d’expression publique proposé par l’association Mash’hed au cours du festival « Mumkin » (possibles) rencontre un certain succès. Les habitant.e..s mettent par écrit leur désir de changement. Les trois colonnes « possible / pas possible / expression libre » sont remplies et le panneau doit rapidement être agrandi.

Panneau d’expression sur la place des arts de Gafsa

« Les gens sont désabusés ici, ils ont l’impression d’avoir tout essayé, et puis rien ne change dans leur quotidien. Chasser l’ancien régime nous unissait, c’était une cause commune, maintenant c’est un peu différent » : c’est à peu près ce que me dit une jeune tunisienne, professeure de français en réponse à mon questionnement vis-à-vis de l’actualité de la révolution. « Les façons de faire de la politique dans les partis et dans les centrales syndicales ne sont pas très attirantes, c’est très hiérarchique, très verrouillé, les jeunes peuvent difficilement trouver leur place ».

Les personnes avec qui l’on travaille ici paraissent mettre leur espoir dans le développement des pratiques culturelles et associatives (certaines ont aussi une activité politique ou syndicale). Leurs buts : aider à mettre des mots sur des réalités, rendre celles-ci publiques pour changer les mentalités, faire le travail que les pouvoirs publics ne font pas pour rendre meilleure la vie de la population. La tâche est immense, et on a l’impression que certain.e.s de nos camarades ne dorment pas beaucoup, entre réunions de « coordination de la société civile », « coopérations internationales », activités associatives à Gafsa et à Tunis, et production artistique personnelle.

Exposition photo de l’association Mash’hed sur la place des arts

Les problématiques ne manquent pas dans ce petit bout de Tunisie : de l’exploitation économique et des dégâts environnementaux générés par l’activité d’extraction et de transformation du phosphate, à l’absence de perspectives professionnelles voire personnelles pour une bonne partie de la jeunesse (ici encore plus que dans tout le pays). Un monsieur, critique de cinéma tunisien, mentionne également les incertitudes identitaires d’une population dont l’histoire a été écrite – et s’écrit – au carrefour de plusieurs civilisations (berbère, méditérannéenne, arabe, africaine...).

La création (littéraire, musicale, cinématographique, photographique...) peut fournir l’opportunité de réfléchir à tout cela, et de l’exprimer. Les livres de Noura Borsali, de Emna Belhaj Yahia, et de Hélé Béji constituent mon point de repère dans cette société tunisienne complexe et en mouvement. Les productions des artistes locaux pourront en constituer un autre, pour peu que ma maîtrise de la langue locale me permette d’avoir une certaine compréhension de ce qui est dit, et d’en discuter. En attendant, des personnes prennent gentiment de leur temps pour me raconter un peu de leur vie, dans une langue qui n’est pas la leur.

Centre culturel de l’université de Gafsa investi par Mash’hed le temps d’un week-end de festival

Bienvenue à Gafsa, dans une ville et une région pour moi encore pleines de mystères  : comment les habitants-habitantes vivent, comment ils-elles voient l’avenir ? Bienvenue à Gafsa, où comme ailleurs les problèmes peuvent être assommants, ou pousser à la réflexion et à l’action. Bienvenue dans un autre bout du monde.

Fabrice

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