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Allons voir ce qu’est finalement Israël

Publié le mardi 5 août 2014

Dans ma petite bulle naplousienne, elle arrive malgré moi, cette sensation. Celle de flotter dans un discours à peu près uniforme, et de toiser, à travers une pellicule déformante, ce que sont les territoires et le peuple israéliens.
Et pourtant j’y suis bien, dans cette atmosphère confinée et homogène. Elle est enveloppante cette bulle, nul besoin de remise en question, les couleurs sont saisissantes de vérité. C’est cela, et rien d’autre.

Pourtant il va falloir la percer. Pour qu’elle n’existe plus, dans ma tête et mes attitudes, quand il s’agira de faire face aux questions inquisitrices à la frontière. Pour qu’elle ne fasse pas barrage à la discussion, une fois en France. Pour qu’elle ne transpire pas la colère vive et agressive, le refus du scepticisme de mes proches, ou l’opacité à toute idée un peu plus mesurée sur Israël.

Première étape pour quitter la bulle : passage du check-point de Jalama, à Jenine. Pas une mince affaire. Un examen blanc avant la véritable interrogation. Des soldats, des jeunes en service militaire, contrôlant les palestiniens et leurs véhicules, vérifiant tout l’électronique au moyen d’une sorte de sonde. D’autres nous sommant de répondre à leurs questions, de passer le portique de sécurité, d’y passer nos sacs. Le lot quotidien de certains palestiniens autorisés à passés la frontière. Rien de nouveau finalement.

Et puis les premiers contacts avec ce que sont aujourd’hui les terres de nos copains, de leurs parents. Difficile à cet instant d’ôter de ma tête cette petite bulle qui continue de sillonner ma conscience. Haïfa, si simple d’accès pour moi, qui n’ai rien à y faire, qui ne connais pas cette ville, qui suis étrangère à tout cela. Je voudrais ramener un bout de la terre à mes copains réfugiés n’ayant jamais foulé ce sol, celui où sont nés et d’où ont été chassés leurs parents. Mais non. Ce n’est pas juste, c’est tout.

La suite consiste à tenter d’oublier cela pour un moment, caler la bulle dans un coin de mémoire latente. Car comment regarder ces rues si différentes, constater l’étonnante ressemblance à des villes ultra-occidentalisées – Tel-Aviv telle Miami Beach – sous le reflet tout autre de ma bulle ? Les territoires de 48, du même pays donc ! Mais des réalités inconciliables, qui font l’effet d’un miroir brisé. Une terre qui n’a plus l’image originelle.

Jaffa, derrière les plages de Tel-Aviv {JPEG}

Finalement, la rencontre avec des gens, des êtres si souvent confondus, par facilité, aux responsables de la situation merdique. De l’intérieur de ma bulle, ce sont « les autres », ceux à qui je ne m’associe pas, ceux que je méprise pour le simple fait de vivre dans cet État oppresseur. Pourtant je partage tellement d’habitudes sociales avec ces autres. Je me reconnais en eux, je dois l’admettre.

Alors je n’ai plus le choix : des soldats imperturbables, des buildings, des rues trop neuves, ça n’altère pas mes images… Mais des gens ordinaires qui offrent leurs canapés pour quelques nuits, et la rencontre a lieu. Rencontre pourtant biaisée par mes dires et attitudes mensongères, "touriste infiltrée" ! La question « Gaza » arrive vite sur la table. Et la volonté d’en parler, sans trop en dire, aussi. Savoir ce qu’ils en pensent, eux, vu d’ici. Ce qu’ils défendent. Et comprendre pourquoi leur position peut se révéler teintée de haine et effarante d’absurdité.

Ce détour par les territoires de 48 n’aura pas été sans conséquence pour ma bulle. Aujourd’hui, elle se façonne différemment. Les couleurs n’en sont pas moins vives, mais la structure plus complexe. Et son confort amoindri, le prix à payer pour ne jamais tomber dans la certitude qui emmure.

A.

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