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C’était mes vacances sous occupation

Publié le jeudi 6 novembre 2014

C’était mes vacances. C’était aussi celles des israéliens. J’en ai profité pour visiter enfin l’esplanade de la mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem. Eux aussi. Je suis rentrée pour la deuxième fois dans la colonie d’Hébron, pour rendre visite à ce palestinien qui y vit encore. Eux aussi, mais pas pour les mêmes raisons.

Profitant de la visite de mon amie, j’ai pris quelques jours pour lui faire découvrir la Palestine. Aujourd’hui, je la vois avec un œil moins neuf, avec quelques positions définies. Notamment sur la discrimination, l’humiliation et l’oppression qu’Israël, son armée et une part de sa population perpetuent sur les Palestiniens. Tout cela sous couvert de « sécurité ». Car Israël diffuse la peur des arabes et de ceux qui potentiellement les soutiendraient. Aujourd’hui, je me dois de relayer ce dont je suis témoin. C’est une question de justesse face à l’injustice de tous les jours ici.

Quelques faits donc, dénonçant cela, vécus en l’espace d’une dizaine de jours.

7.10.14

Pour la première fois, je peux entrer sur l’esplanade de la mosquée Al Aqsa et admirer la merveille devant moi. J’ai cru comprendre qu’aujourd’hui commençaient les vacances pour les Israéliens, qui vont être nombreux à venir dans la ville sainte, notamment pour visiter ce site, représentant aussi un lieu saint pour les juifs. Un nombre considérable de soldats autour et à l’intérieur du site nous demandent de sortir. Terminé l’accès aux touristes, place aux croyants. Mais aujourd’hui, les musulman-e-s pourront attendre un moment avant d’entrer : les soldats escortent des visiteurs juifs à l’intérieur, barrant l’accès à Al-Aqsa pour les autres. Et toute la journée, nous verrons des femmes et des hommes attendant que l’armée israélienne veuille bien les laisser prier dans leur lieu de culte. Un feu sortant de la mosquée nous alerte, les soldats le maîtrisant rapidement. Des altercations aussi, entre palestiniens et soldats, dont un se fait embarquer sous nos yeux dépités, criant : « They don’t want me to go to pray ! »

Le Dôme du Rocher, merveille presque inaccessible

Ce même jour, nous tentons d’en discuter avec des palestiniens que nous rencontrons. Chose impossible, chacun botte en touche, ne se prononce pas. Comme un malaise à parler des choses qui fâchent avec des touristes inconnues. Nous sentons le « on ne veut pas avoir de problème » derrière les sourires gênés.

Pourtant, la chance de parler librement nous sourit un peu plus tard, un palestinien nous invitant à boire un café chez lui, tout en haut du Mont des Oliviers. Il nous raconte sa détermination à garder sa maison, malgré l’offre alléchante d’Israël de lui racheter au prix fort ; sa colère trop longtemps maîtrisée face à un colon provocateur, occupant son jardin à maintes reprises ; ses années de prison pour lui avoir cassé la gueule, seule réponse possible quand la police israélienne refuse de bouger le petit doigt ; son audace à cultiver son terrain à la nuit tombée, en dépit de l’interdiction d’Israël. Il nous explique aussi l’enjeu autour de la mosquée Al Aqsa : l’accès aux visiteurs –musulmans ou non - a été terriblement réduit après les évènements de 2002, lorsque Ariel Sharon est venu provoquer les palestiniens sur l’esplanade, et que de graves affrontements ont éclaté. Mesure de sécurité ? Cela semble plutôt être une enième façon de justifier l’appropriation de ce lieu et la ségrégation qui s’y tient.

13.10.14

Journée intense qui nous attend. Je prépare ma copine à ce qu’elle va voir, la claque qu’elle risque de se prendre tout au long de la visite avec H., notre guide, prisonnier de la colonie d’Hébron. Au passage du check-point nous permettant d’entrer dans cette colonie, il y a comme une anomalie quelque part : en Cisjordanie, en plein cœur d’une ville palestinienne donc, une colonie, des soldats par centaines pour protéger les 400 colons y vivant. Rien de nouveau en soi. Si ce n’est les dizaines d’israéliens en vacances se baladant innocemment dans chaque rue. Ces rues que nous empruntons aussi, écoutant notre guide, un œil distrait par un homme s’arrêtant pour nous prendre en photo. H. s’insurge « Don’t take picture of us ! ». C’est un colon ou visiteur israélien qui continue de nous attaquer aux flash, sous le regard déjà amusé de ses petits-enfants. S’en suivra une bataille ou nous nous défendons avec la même arme. Dans la boîte le colon !
Une centaine de mètre plus loin, un second s’incruste dans notre cercle, coupant la parole à H. pour raconter sa propre version des faits. « We don’t listen to you, we listen to our guide » aura raison de son culot. Notre cercle se resserre autour d’H., formant un barrage à son intrusion. Et nous tentons d’oublier sa présence trop pesante, et celle des soldats nous surveillant, stratégie qu’ils utilisent pour perturber les visites d’H. Je peux comprendre que l’histoire qu’il raconte, la véritable, les gène quelque peu…

Tour de contrôle sur maison palestinienne
Chez le frère d’H., l’occupation se fait jusque sur le toit de sa maison.

Plus tard dans la journée, nous nous dirigeons vers la sortie de la colonie. Mon collègue de SVE porte un tee-shirt sur lequel est inscrit « We are all Gaza ». Un colon le croise. Visiblement indigné, il se retourne et agite son poing dans sa direction. Le soutien aux gazaouis dans l’offensive meurtrière qu’ils ont subi cet été n’est pas la bienvenue ici.

15.10.14

Pour changer du tourisme politique, direction la Mer Morte. Après une journée détente, nous reprenons le volant. Sur la route au départ de Jéricho, je râle encore sur le manque de panneaux indiquant Bethléem. Cette fois, nous avons prévu le coup : la carte israélienne nous oriente logiquement vers Ma’ale Adummim. C’est sans compter sur le barrage à l’entrée de la route qui y mène. Les gardes/sécurité/colons ou je ne sais quoi nous arrêtent. Demi-tour ! Hors de question de passer avec notre plaque verte palestinienne (nous sommes en Cisjordanie, cherchez l’erreur). Avec une méfiance non dissimulée, les deux hommes nous interrogent : « Where did you find this car ? ». La réponse ne les satisfaisant pas, ils continuent : « What are you doing here ? ». La suspicion ne va pas chercher loin, le tourisme en voiture palestinienne, c’est louche.

Mur de l’Apartheid

16.10.14

Retour aux sources à la fin des vacances, retour à Jérusalem, lieu saint et malsain à la fois. Dans le tram qui emmène ma copine à son sheirout, un israélien s’adresse à un couple de touristes en français : « Comment vous avez perçu la ville ? » « Très belle, mais c’est quand même étrange ce découpage de la vielle ville, entre les différentes confessions. » Il n’en aura pas fallu plus pour que l’homme nous déballe un discours raciste totalement décomplexé : « Faut dire qu’à côté, c’est pas des tendres, ils coupent des têtes… » Voilà, en trois mots, tout est dit. La haine de l’autre est assumée, on peut même sentir dans le propos une forte incitation à le rejoindre dans son racisme.
Ce n’est malheureusement pas la première fois que je me retrouve face à des israéliens dont la première parole est une insulte aux palestiniens et aux populations arabes en général. Et pas la première fois non plus que je me retrouve complètement atterrée et incapable de répliquer, pensant qu’une petite phrase assassine de ma part n’aurait aucun poids face au conditionnement imperméable qu’Israël impose à sa population.

Ça y est, ma copine est partie, les vacances se terminent et je rentre à Nablus. En sortant de la vieille ville, je trouve la porte de Damas complètement quadrillée. On est vendredi, jour saint pour les musulmans. J’attends devant la grille pour sortir de la vieille ville ; eux patientent pour accéder à leur quartier. Les soldats laissent rentrer les palestiniens au compte goutte. Un enfant d’une douzaine d’année se fait interroger par deux soldats, visiblement plus par amusement que par réelle affaire de « sécurité ». Je vois finalement la garde se baisser pour laisser entrer l’enfant, sous les sourires dominateurs.

L’oppresseur oppressé

A.

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