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Si loin si proche

Publié le mercredi 7 janvier 2015

Des informations qui tombent parfois, qui parviennent à franchir les quelques milliers de kilomètres, par la toile assidue et l’efficacité ardente des réseaux sociaux.
Des fragments bien trop bleu blanc rouge qui viennent percer la vapeur du Moyen-Orient, du moins pour la poignée de franco-suisses que nous sommes qui tentent de l’apprivoiser comme ils peuvent, cette vapeur. Et qui se font rattraper presque contre leur gré par le nuage épais de là d’où ils viennent.
Happé(e)s par une semi-réalité. Arraché(e)s au moment présent.

J’entends malgré moi d’ici la voix des opportunistes sournois(es), carnivores enfarinés prêts à sauter sur chaque drame humain pour les transformer en acide tambouille soi-disant sociologique, aux angles dangereusement penchés vers un extrême que je blâme. Ceux et celles qui se cachaient dans les recoins sombres du pentagone il y a encore de petites années et que la mode ségrégationniste a, depuis quelques temps, fait sortir de l’ombre :

"Ah regardez ces terroristes à la dangereuse barbe que personne n’a pu voir distinctement (mais qui ont une barbe quand même, on le sent, c’est sûr, on le sait, leur "Allah Akbar" résonne dans nos imaginaires) ! La France n’est plus française, la France n’est plus laïque, conséquence de l’Etat Islamique !"

Enfuis... enfuis par la porte de Pantin.
Par la porte de chez moi, qu’il parait.
Un "chez-moi" qui n’en est plus vraiment un. Parce que je l’ai laissé pour être ici, parce que j’ai choisi d’arpenter un temps les terres Palestiniennes, des terres qui ne sont pas miennes non plus. Choisi le fil du rasoir.
Aujourd’hui, me sont parvenu ces bribes de nouvelles. Nouvelles d’un pays qui se replie sur lui-même, qui s’invente des chimères ennemies pour assurer son emprise sur ses citoyen(ne)s, et qui subit un retour de flamme apportant une horrible réponse à sa passion islamophobe, un pays qui ne m’évoque plus grand chose, qui sonne creux dans le silence des bombes assourdissantes, s’échoue contre les corps de martyrs, ici.
Mon pays, qu’il parait.
L’endroit dans lequel je suis censée me sentir intégrée, dans mes codes. Ma douce terre natale...

C’est un drame à la réception ambiguë qui touche peut-être un de mes bas instincts égocentriques, blessé de ne pas être sur ces trottoirs polémiqueux, parce que peinant parfois à arpenter les routes explosives de Palestine. Parce que mes vibrations sont tournées vers une géopolitique autre, vers des bombes autres, vers des drames autres. Ailleurs.

Alors là, j’ai peur en demi-teinte pour le devenir idéologique de ce bout de terre qui signe ma carte d’identité, de ce que je vais retrouver, ce que j’aurais raté en rentrant. Dans un futur vaporeux. Je perds un peu de ma tâtonnante réalité Askarienne, et mes songes s’échappent inéluctablement de projections mentales en projections mentales jusqu’à ce bout de rue familier, au seuil de ma dernière adresse, là où tous mes ancien(ne)s voisin(e)s doivent être présentement en éruption, exalté(e)s par la sensation qu’il se passe quelque chose dans le morne quotidien de leur routine parisienne. Chez moi. A porte de Pantin.

Malgré les 7°C qui cinglent notre intérieur, mon exil choisi brûle fort ce soir.

Ces deux truand(e)s ont laissé douze morts, des blessé(e)s, des traumatisé(e)s et des familles en deuil. Autant d’êtres qui n’ont pas besoin de voir leur drame instrumentalisé. Comme Charlie Hebdo a instrumentalisé à maintes reprises la foi religieuse de milliers de français(es). Laissons là les surenchères et raccourcis illégitimes et commençons un peu à renouer avec le respect.

L’heure est à la bataille pour la liberté agonisante et contre l’oppression omniprésente, ici et ailleurs. Nous arpentons différents virages d’une même lutte. Finalement.

Manon.

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