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Groupe Non-mixte CEMEA Pays de la Loire - Positionnement

Publié le jeudi 5 février 2015

1. Le groupe, ses objets de travail, sa démarche

Ce groupe, à vocation transversale au sein de notre association, se situe à la croisée du champ international et de celui du genre. Nous y traitons de nos places de femmes dans nos associations, nos projets, nos sociétés, ce qu’elles sont, ce qu’on voudrait qu’elles soient, et comment on les construit. Nous y abordons les différents espaces d’éducation formelle, informelle et non-formelle.
Ça passe par le fait de se rencontrer, se raconter, échanger, construire une compréhension des différentes formes que prend la domination en fonction des contextes. Ça signifie déconstruire le mythe de la femme occidentale libérée, déconstruire l’idée qu’on peut émanciper une personne extérieure à soi (on ne peut qu’être partie prenante de la transformation qu’on vise), déconstruire la compétition qui existe entre les femmes, et qui est un frein à leur émancipation car elle maintient la place dominante des hommes.

Nous avons fait le choix d’un espace de réflexion et d’élaboration de nos actions en non-mixité parce que la plupart des autres sont en mixité, parce que cela nous permet de construire une mixité plus sereine. C’est bien d’éducation à la mixité que nous traitons.
L’objectif n’est pas d’homogénéiser les relations ni les comportements, mais que chacune construise les outils de ses luttes pour transformer les relations et prendre la place dont elle a envie.

Le groupe est actuellement au travail sur l’accueil d’une délégation de femmes palestiniennes pour avril 2014. Des rencontres entre groupes de femmes ont déjà eu lieu en France et en Palestine entre différentes personnes des Ceméa et des associations partenaires palestiniennes Laylac, Human Supporters et Keffieh center. Nous y avons identifié des problématiques communes autour de l’éducation, de la famille, du travail, de la parole, du droit, de la violence. L’accueil de cette délégation sur Nantes pendant 8 jours sera l’occasion, en mixité et en non-mixité, d’approfondir la connaissance de nos associations, de nos sociétés, de réfléchir ensemble, de se connaître, de visiter des structures d’animation et d’éducation populaire, de rencontrer des associations de femmes, de pratiquer de l’activité ensemble, de découvrir le territoire et de construire des pistes de travail pour la suite de nos projets.

2. CEMEA, éducation populaire, émancipation et transformation sociale

Extrait projet associatif régional 2012-2015
2.5 Lutte contre les formes de discrimination, de domination et d’oppression
Lutter contre les stéréotypes éducatifs de genre et agir pour l’égalité homme / femme.
Cette problématique est au travail dans notre association territoriale depuis plusieurs années.
Notre action se fonde autour de trois principes :
 La reconnaissance sociale du genre : être un homme ou une femme n’est pas qu’un déterminisme biologique mais est avant tout une construction sociale.
 L’éducation des filles et des garçons a une place fondamentale dans cette construction (qui) entretient la reproduction des discriminations et prépare les individus à des rôles genrés.
 En tant que mouvement d’éducation, il est fondamental de lutter contre les comportements et environnements sexistes pour permettre à chacun, chacune de se construire comme il ou elle l’entend.

Les CEMEA inscrivent leur action dans l’esprit de l’Education populaire qui est « tout à la fois une philosophie de l’histoire, une configuration et un outil. Elle est au carrefour de l’éducation permanente, de l’éducation des adultes, de l’histoire ouvrière, de l’animation socioculturelle et de l’économie sociale. » ( Luc Carton dans Les défis de l’éducation populaire). Les CEMEA sont un mouvement d’éducation nouvelle, d’éducation populaire qui inscrit son action dans une logique de transformation des pratiques, des relations et donc plus globalement dans une transformation sociale de notre société. Notre engagement se situe dans le champ de l’éducation, il est politique.

« Tout mouvement d’émancipation vise à modifier les rapports fondamentaux entre les humains et les modifie déjà par sa seule existence » ( Gaston Navet dans L’émancipation)
Les actions d’éducation populaire et d’éducation nouvelle dans lesquelles nous sommes engagé.e.s ont une visée émancipatrice. Nous appelons émancipation la critique et le rejet de l’ordre établi, des rapports de domination qui nous contraignent, c’est-à-dire l’action par laquelle nous nous en libérons et l’état que nous visons. A la fois processus et objectif, l’émancipation des personnes nécessite de passer par la compréhension des mécanismes qui fondent les rapports humains pour pouvoir les modifier. En ce sens l’émancipation est intimement liée à la transformation sociale.

« Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie. Il en a le désir et les possibilités » (Les principes qui fondent l’action des Ceméa). Pouvoir agir sur soi et sur son milieu nécessite de connaître et de comprendre les mécanismes qui nous construisent, et des espaces pour agir et expérimenter. Nous menons donc des allers-retours permanents entre recherche, conceptualisation et action. L’approche théorique nous permet de conceptualiser des pratiques afin de favoriser la réflexion et la confrontation, afin de favoriser la recherche pédagogique, mais aussi une approche pratique qui consiste à mettre en œuvre des idées, à évaluer leurs effets. Cette dialectique qui s’inscrit dans une recherche de cohérence entre les actes et les principes est à la base du fonctionnement des groupes action-recherche.

Cadre politique - Quelques principes
1. - Les CEMEA se positionnent contre le colonialisme et le sionisme
2. - Les CEMEA luttent contre toutes les formes de néo-colonialisme (maintien de rapport de pouvoir – politique, culturel..., entre deux pays, entre des personnes de pays différents sans forcément maintenir une occupation militaire permanente)
3. - Les CEMEA se positionnent contre le relativisme culturel. La culture ne peut pas tout expliquer et nos modes de relations (entre hommes et femmes, entre personnes de plusieurs pays, entre personnes de différentes classes...) sont le produits d’une société, d’une éducation et ne peuvent pas s’expliquer par la culture qui, elle-même, est le produit de la société.
4. - Le partenariat se construit dans le temps et il convient de prendre en compte cette dimension quand on arrive sur un projet : le partenariat participe à un processus qui se construit et se met en œuvre dans le temps et nous entrons dans un projet qui a une histoire et un devenir ...
Nous partageons avec les associations partenaires (les plus proches) un certain nombre de valeurs. Ces valeurs sont d’autant plus partagées que le partenariat est important :
- laïcité ou sécularité (secular en anglais, mot plus facile à comprendre par nos partenaires étrangers)
- mixité dans les projets (sociale et de genre)
- la place de l’éducation de la personne : construction de la personne, émancipation
- refus de la politique de normalisation
5. - Le partenariat doit se construire à travers l’agir (mettre en œuvre des projets ensemble), il faut tendre vers une réciprocité, notamment dans les apports.

3. Rapports de domination et non-mixité

Notre positionnement/ nous nous appuyons sur des notions de classe, race, genre, hétérosexualité, âge. Elles sont utilisées pour rendre compte non d’une réalité « naturelle » ou « innée » catégorisant les individus mais bien comme une construction sociale. Je nais être humain sexué, mais c’est mon environnement social qui va me construire comme femme ou comme homme, comme blanc ou non blanc... et induire des comportements : « je dois donc être douce et maternelle » ou « fort et ténébreux ».
Ces constructions sociales divisent la société en des catégories construites et hiérarchisées. La distinction entre les hommes et les femmes n’ a pas pour seul objectif de « différencier » mais bien de hiérarchiser. Ainsi si parce que je suis homme, je suis fort, courageux, bon orateur, il devient normal que j’accède aux responsabilités politiques, aux places de pouvoir.... Cette hiérarchisation s’appuie sur des théories de domination des un.es sur les autres, définies ainsi par Audre Lorde :
« Racisme : croyance en la supériorité intrinsèque d’une race sur toutes les autres et ainsi en son droit à dominer.
Sexisme : croyance en la supériorité intrinsèque d’un sexe sur l’autre et ainsi en son droit à dominer.
Agisme, Hétérosexisme, Élitisme, Classisme ... »

Dans ce contexte, l’outil de la non mixité nous apparaît comme nécessaire vers la construction d’égalités.
« Car dans les groupes mixtes, Noirs-Blancs ou femmes-hommes, et en général dans les groupes dominés-dominants, c’est la vision dominante du préjudice subi par le groupe dominé qui tend à… dominer. Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression elles et eux-mêmes. C’est pourquoi la non-mixité voulue, la non-mixité politique, doit demeurer la pratique de base de toute lutte ; et c’est seulement ainsi que les moments mixtes de la lutte – car il y en a et il faut qu’il y en ait – ne seront pas susceptibles de déraper vers une reconduction douce de la domination. » ( Christine Delphy dans La non-mixité : une nécessité politique)

C’est pour cela que nous souhaitons aujourd’hui vivre des espaces en non mixité femmes au sein des Ceméa. Cependant nous avons conscience qu’il serait dangereux de croire que la création de ces espaces font disparaître tous les processus de domination.
Si ces espaces visent à annuler ou tout du moins à réduire les mécanismes de la domination genrée, ceux-ci ne peuvent être suffisants juste par leur existence. D’une part parce que les autres phénomènes de domination sont toujours en œuvre au sein du groupe (racisme, classisme, hétérosexisme …). D’autre part parce que les processus de domination sont si bien intégrés qu’ils sont aussi portés par les dominé.es.

« Aujourd’hui dans le mouvement des femmes, et d’une manière largement répandue, les femmes blanches se focalisent sur leur oppression de femmes et ne tiennent aucun compte des différences de race, de préférence sexuelle, de classe sociale et d’âge.
Le mot sororité recouvre d’un faux-semblant d’homogénéité l’expérience de toutes les femmes, mais dans les faits, la sororité n’existe pas. En refusant d’admettre ces différences de classes, les femmes se privent de l’énergie et de la créativité des unes et des autres des femmes blanches et l’homophobie de leurs sœurs. »
(Audre Lordre dans Age, classe sociale et sexe : les femmes repensent la notion de différence)

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