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Une leçon de résistance par Ghassan Zawahrah

Publié le lundi 11 janvier 2016

Vendredi dernier l’association Laylac du camp de Deishe à Bethléem a organisé pour nous une rencontre avec Ghassan Zawahrah. Ghassan est le frère de Motaz, abattu par un sniper Israélien en octobre. C’était un jeune résistant. Aujourd’hui c’est un martyr.

Mais Ghassan ne venait pas nous parler uniquement de Motaz, il venait aussi témoigner de son parcours de résistant, de prisonnier, et de la grève de la faim qui lui a permis d’être libéré il y a un mois et demi.
Cette histoire, c’est celle de la famille Zawahrah, célèbre à Deishe pour son engagement, dans laquelle tous les enfants ont un jour été en prison. Ils sont tous membres du Front Populaire de Libération de la Palestine, une organisation politique d’extrême gauche.
Ghassan était en détention administrative. C’est une technique d’enfermement inspirée par le colon britannique au début du XXème siècle, qui a pour principe d’incarcérer les personnes nuisibles pendant une période indéterminée. Les périodes d’incarcération sont variables et peuvent durer 6 mois comme toute une vie. Elle ne nécessite pas de justification des autorités à part celle de se défendre contre des soi-disant terroristes Palestiniens. Cela a pour but de détruire psychologiquement les personnes et de les rendre dépendantes de la bonne volonté de l’administration Israélienne.
Le FPLP, comme d’autres groupes politiques avant lui (Ghassan faisant référence à l’IRA), a compris qu’un des moyens de continuer à lutter efficacement en prison était d’organiser des grèves de la faim collectives. Cela permet parfois d’obtenir de meilleures conditions d’enfermement mais aussi des victoires politiques et la libération de certainEs prisonnierEs.
La sienne a duré 42 jours et lui a permis de sortir de prison. A sa sortie, il a été fêté en héros, car il a gagné son bras de fer psychologique avec Israël. Ce genre d’exemples redonne espoir à toute une génération de Palestiniens. Mais pour ça il a dû traverser bon nombre d’atrocités.
Lors d’une grève de la faim l’objectif des autorités pénitentiaires est de pousser les personnes concernées à abandonner le plus vite possible, car la rumeur ne doit surtout pas se répandre, sans quoi le soutien de l’ensemble de la communauté Palestinienne et internationale ne tarde pas à arriver. Les premiers jours sont donc déterminants.
Une fois qu’une grève de la faim est connue, il est plus difficile de s’en « débarrasser ». Il faut comprendre que la colonisation Israélienne est un numéro d’équilibriste qui consiste d’une part à envahir les terres Palestiniennes tout en donnant une image de démocratie Occidentale respectueuse des droits de l’homme. Et le pire c’est que cela marche. Cet exemple nous prouve qu’il est possible d’associer démocratie capitaliste occidentale et non-respect des droits humains. La question de la communication est donc au centre de ce conflit.
Lors d’une grève de la faim collective le processus répressif est le suivant : il faut d’abord isoler les leaders, et Ghassan en faisait partie, et les incarcérer dans des prisons de 1m50 de côté et de hauteur. Ainsi, il n’est plus possible de s’allonger ni de se lever et les grévistes de la faim perdent leurs forces plus rapidement. Ensuite, il faut menacer les prisonniers de s’en prendre à leurs familles, de tuer un de leurs frères en manifestation ( !), ou de détruire leurs maisons. Les moyens de torture psychologiques sont nombreux, par exemple lorsque Ghassan demandait à aller aux toilettes, il lui fallait taper sans interruption à la porte de sa cellule pendant une heure et demie en moyenne pour qu’on daigne lui répondre.
Mais une fois que l’affaire est connue, il n’est plus possible de supprimer le symbole car ce serait courir le risque d’une nouvelle intifada, qui n’apporterait aucun bénéfice à l’état d’Israël dans sa stratégie de communication internationale.
Bref, Ghassan a entamé dès lors un véritable jeu de dupe avec l’administration pénitentiaire. Celle-ci avait sans doute pour consigne de le maintenir en vie. En tout cas, il a dû se raccrocher à cet espoir pour espérer voir sa demande de libération acceptée. Il a poussé le bluff jusqu’à menacer de ne plus boire afin de voir un ou plusieurs camarades. Il menaçait donc de mettre fin à ses jours et de déstabiliser la situation politique en Cisjordanie si on n’accédait pas à sa demande.
En novembre dernier Ghassan a été libéré et fêté en héros chez lui à Deishe. Cela se passait trois semaines après la mort de son frère. Son frère qui n’a pas été abattu « au hasard » mais qui est bien une victime collatérale de son bras de fer avec Israël. La première chose que Ghassan a faite en sortant de prison a été d’aller se recueillir sur la tombe de Motaz.

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