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Première livraison d’un « journal de bord »

Publié le lundi 21 mars 2016

Voici la première livraison d’un « journal de bord » de mon séjour en
Palestine. Ces ont quelques bribes de ce que je découvre au fur et à
mesure que je souhaite partager avec vous, des impressions, des
témoignages et des « pris sur le vif » qui me marquent. Évidemment, ma
grille de lecture et mes lunettes d’occidental me forcent à des
précautions dans mes interprétations, et surtout un maximum d’humilité,
mais vous écrire est non seulement rassurant mais permet de prendre de la
distance pour mieux appréhender tout ce qui se joue ici.

J’essaierai donc de vous donner des nouvelles chaque semaine, non pas pour
refaire le film de mes journées et le détail de mes menus (je vous
épargnerai aussi l’acclimatation de mes intestins), mais en m’attachant à
un sujet particulier qui m’a marqué !

Du 01/03 au 06/03

Arrivée à Tel Aviv, aéroport Ben Gourion.
On ne peut pas dire que l’arrivée à l’aéroport soit d’un grand
dépaysement. Tous les aéroport se ressemblent, certes, mais c’est toute la
ville, moderne et hyper connectée (le wifi est partout, même dans le train
de banlieue), qui rappelle n’importe quelle métropole occidentale. Le seul
choc fut climatique : Passer de 3° au départ de Genève à 28° ici a rendu
ma doudoune un peu superflue !

Mon entrée sur le territoire israëlien n’a été pour moi qu’une simple
formalité. J’ai eu droit au minimum syndical, quelques questions balancées
de manière mécanique pour savoir ce que je venais faire, pendant deux
mois, en Israël. 2 contrôles, les mêmes questions, et j’étais sorti. Navré
pour celles et ceux qui s’attendaient à un récit épique d’interrogatoire
interminable durant lequel les forces de sécurité essaient de vous tirer
les vers du nez, mais j’en suis bien heureux. Une fois de plus, j’ai pu
éprouvé le privilège d’être blond avec un nom français, car tout le monde
n’est pas logé à la même enseigne ! Les personnes sont retenus sur simple
délit de faciès ou patronyme. Il faut savoir d’emblée que tout arabe (ou
assimilé.e) est un.e suspect.e permanent.e et que tout ses droits, dont
celui de circuler, sera en permanence entravé. Les arabes israëlien.ne.s
sont ainsi des citoyen.ne.s de seconde zone, cette sous-citoyenneté est
inscrite sur la carte d’identité. Ici commence la ségrégation et le
racisme…

Je suis resté le soir-même à Tel Aviv où j’avais réservé une chambre, ne
sachant pas à quelle heure j’allais être « libéré » des contrôles. Un tour
rapide au souk, où beaucoup de stands présentent des fringues à la gloire
de Tsahal et des drapeaux israëliens, au cas où on oublie… Tout est fait
pour rappeler et consolider le mythe national. Toutes les rues portent le
nom de sionistes tristement célèbres…
Ce qui est rigolo, c’est que malgré tous ces efforts nationalistes et la
volonté du pouvoir de ranger Israël dans le « camp » occidental, en
matière culturelle, économique et sociale, l’atmosphère générale trahit
cette construction identitaire.
La langue (sémite, comme l’arabe), la lumière, les odeurs et les couleurs,
les toits en terrasse, beaucoup de choses nous rappellent qu’on est dans
un pays arabe !
La nuit toute pourrie dans une auberge de jeunesse où se retrouvaient des
jeunes du monde entier venu.e.s faire la fête à Tel Aviv ne sera pas un
grand souvenir. Je n’ai que très peu dormi, interrompu toute la nuit par
des entrées et sorties du dortoirs et des degrés d’alcoolémie augmentant
avec les heures.
Une anecdote quand même : Un mexicain, après m’avoir demandé si j’étais
juif (la deuxième question qu’on vous pose...), m’apprend qu’en France et
en Europe, le problème est que les arabes ne voulaient pas s’intégrer.
Face à cette analyse si brillante, je gardais mon calme et hochais la
tête sans répondre en espérant qu’il me foute la paix, mais il continue
en disant que c’est le même problème... ici, en Israël. Les arabes ne
voudraient pas s’intégrer. Je manque de m’étouffer… Dans leur propre
pays !! C’est le pompon !
Dans la nuit, le même rentre en beuglant dans le dortoir, complètement
bourré. Je me demande alors si c’est de ce type de coutume dont il parle
quand il regrette un « manque d’intégration » des arabes…

Je pars tôt le lendemain matin pour Deisheh, changement de bus à
Jerusalem, puis à Bethléem. Le passage du premier check-point entre
Jerusalem et Bethléem se fait sans contrôle (la chance me poursuit). Je
suis accueilli dès ma sortie de taxi par Hamza, avec qui je passe encore
aujourd’hui pas mal de temps et tisse des liens.
L’accueil à Laylac a vraiment été super, même si tout le monde semble
faire 12 choses en même temps (une vraie fourmilière !), tou.te.s prennent
le temps de me saluer, de m’indiquer deux-trois trucs. Un bon accueil a
définitivement un pouvoir rassurant !
Très vite, je fais un tour du quartier avec Aïssa pour me repérer. Des
représentations et des images que j’avais de la colonisation et de la
résistance deviennent alors réalité. Tous les murs sont peints à la gloire
des martyrs et de la résistance. Les fresques sont vraiment très belles,
si bien que quelques-uns de leurs auteurs sont aujourd’hui connus à
l’international. Il y a une vraie culture du street art, au-delà de la
mode. Au début de la première Intifada, Israël interdit toute publication
papier. Les murs servaient alors de support pour communiquer. Cette
tradition est restée.

Voilà. Aujourd’hui, je suis bien installé, dans une chambre de la guest
house à l’intérieur même du centre social qui accueille des volontaires du
monde entier. En ce moment, 4 suedois.e.s qui travaillent sur des aspects
de la vie palestinienne, partagent mon quotidien. On s’organise pour la
bouffe, les tours de ménage et on échange le soir venu sur nos rencontres,
nos impressions et nos interrogations…

Pour moi, première semaine = remise à niveau en anglais ! Je suis
extrêmement frustré de ne pas pouvoir échanger de manière fluide, de ne
pas pouvoir poser les questions comme elles me viennent. Tout le monde
parle très bien anglais ici. Sauf moi, qui parle anglais… comme un
français !
Mes progrès en arabe sont notoires en revanche : je me fais désormais
comprendre quand je dis que je ne comprends rien. ’Faut un début à tout.

Mon programme commence à se préciser. J’ai rencontré des enseignants
syndicalistes que je dois revoir bientôt ainsi que des camarades de
l’Alternativ Information Center (AIC).

Il me à vous raconter comment s’organise ce camp de réfugié.e.s de 30000
habitant.e.s qu’est Deisheh. C’est assez fascinant et je pense révélateur
de beaucoup de choses ! Mais ça, ça sera pour la semaine prochaine. Je
vous laisse là.

Des pensées de Deisheh.

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