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Journal de bord d’un Franssawi a Madhia pendant le mois de ramadan

Publié le mercredi 6 juillet 2016

Cet article fut long a écrire car je ne savais pas comment l’aborder. Du coup j’ai préféré vous conter des bribes de vie tirées du journal que je tiens depuis mon arrivée.

6 juin 2016

Depuis mon arrivée j’ai pris l’habitude d’être réveillé par l’installation de la terrasse du café de Marseille sous mes fenêtres, mais ce matin, aucun bruit n’est venu troubler mon sommeil, pas plus le bruit des moteurs qui se font particulièrement rares ce matin, il doit être tôt. Pourtant les seuls rayons de soleil pénétrant par la porte entrouverte de ma chambre donnant sur le salon m’indiquent le contraire. Interloqué, je regarde mon téléphone puis bondis de mon plumard : il est déjà 7h30 ! Il faut que je me dépêche d’aller au centre.

Hop deux, hop deux ! toilette express, le sac et on est tipar. A la sortie de l’immeuble je vois que les volets du café sont encore tirés. Je m’allume une clope en chemin pour le centre lorsque je croise une dame âgée qui me fusille du regard. C’est alors que ça m’est revenu : « le début du ramadan c’est aujourd’hui » . Gêné d’avoir pu choquer cette dame je baisse la tête poliment et me dirige terminer ma guinze derrière une pile de briques d’un chantier, les ouvriers ne sont pas encore arrivés je ne risque pas de créer un nouveau accident inter-culturel. Puis je reprends mon chemin pour le centre, une fois arrivé l’ambiance est particulièrement joyeuse et les visages particulièrement souriants, pas que tout le monde fasse la gueule d’habitude mais ce matin c’est différent. Je sais pas quoi dire. Est-ce qu’il existe une formule dans ce cas là ? On dit bien joyeux Noël ou joyeuses Pâques alors pourquoi pas joyeux Ramadan. J’ose pas demander sur le coup. Une fois que tout le monde part a son poste, je croise Hammed du cmp, j’ose poser la question et oui, il y a bien une formule. C’est « Romhdam Mabrouk » que je m’empresserais de dire à tous dès que je rentre dans une pièce. D’ailleurs un SMS de mon opérateur tunisien me le souhaitera aussi en m’indiquant que j’avais droit a des promos pour des applications exclusives avec contenu audio et commentaires sur les sourates. Me voilà enchanté !

8 juin :

Jusqu’à l’aîd, tant que la rupture du jeûne n’a pas été annoncée : pas de clope, pas d’eau et pas de nourriture. En tout cas pas en public ni devant les collègues du centre.
Mécréant comme je suis, faire le jeûne serait purement hypocrite de ma part. Après tout, Les messes de Noël ou de Pâques ne figurent pas dans mes habitudes , le vendredi midi je suis plus steack-frites que poisson et j’ai pas la moindre idée de ce que représente la Pentecôte. Le seul trait catho que je dois avoir me viens de ma grand mère paternelle, comme elle je fais une croix sur le pain avant de le rompre, mais bon c’est plus un toc tiré de l’enfance qu’une conviction.

Cependant vivant dans un pays de culture musulmane, par respect je vais pas m’amuser à cloper et manger devant les gens et encore moins boire. En ce moment il fait 40 degrés à l’ombre, et ce n’est pas une métaphore. Perso, je pense que si je jeûnais, même par conviction, voir un badeau allumer sa clope ou manger m’énerverait profondément.
Même si Radia et Soulef qui s’occupent des repas m’ont proposé de déjeuner avec les gamins je refuse de manger devant les collègues. En tant qu’adulte je peux tenir mon estomac et manger une fois rentré chez moi.
Pour la clope, c’est officiel je suis un toxico de la nicotine, je ne peux pas attendre de rentrer chez moi pour ça. Du coup retour à mes 15 ans je vais me planquer derrière le bâtiment pour pas être vu des collègues. Sauf que cette fois au lieu d’être avec un pack de bière, je suis avec une bouteille d’eau. Je commence à me faire vieux.

15 juin :

La vie le jour a pris une autre tournure : la plupart des magasins, la poste et les banques sont ouverts de 8h à 13h. les épiceries ouvrent en milieu d’après midi et les cafés installent leurs terrasse vers 17h et sont blindés une fois passée la prière suivant la rupture. Les rues qui pendant le mois de mai étaient animées la journée, sont dorénavant plus calmes. Et les taxis collectifs, le concept tu payes 700 millimes (moins de vingt centimes) quelque soit la course mais il peut s’arrêter pour prendre quelqu’un d’autre en chemin, sont moins prisés. Du coup au lieu de prendre les chemins de traverse à une allure digne d’un film de Luc Besson, ils enchaînent les petits détours afin de trouver des covoitureurs. A l’heure de la rupture, la ville est totalement déserte. La nuit : on veille, on prie et on mange. Le plat de circonstance : le frik une soupe faite d’un bouillon de poisson ou de viande, avec des légumes et du blé tendres (et ça défonce) avec cela s’en suit tout un repas sauf que là on mange beaucoup. Pour avoir été invité plusieurs fois, j’ai pu participer à ce moment de partage et à chaque fois ce fut des moments précieux que je garderais en mémoire.

26 juin :

Si je ne suis pas le rythme, les questions que je pouvais me poser sur le ramadan ont trouvé des réponses : on est dans un mois de solidarité et de partage. Le Ramadan est un des 5 piliers de la foi islamique. Quand je demande sa signification profonde on m’explique que c’est un rite de solidarité, où le riche vit la privation du pauvre. Et celui qui ne peut jeùner pour des raisons médicales, genre glycémie ou grossesse, est tenu d’aider les plus démunis. C’est aussi un temps de purge, de self contrôle de ses mauvaises habitude : Bibine, libido, nicotine et autres addictions en tout genre. D’autre, m’ont dit que d’un point de vue hygiénique, il était bon pour le corps de pratiquer des temps de jeûne et que ramadan était une occasion de s’y atteler.
Bon, le principe de se priver pour ressentir ce que vit l’affamé est une pratique religieuse qui a toujours eu le don de me laisser pantois quelque soit la religion. Mais, c’est quelque chose que je respecte, Dieu et moi c’est une question que je réglerais un jour en attendant je ne vois pas de quel droit je pourrais me permettre d’émettre un jugement sur qui que ce soit sur ces croyances et ces pratiques. Tant que ça ne m’affecte pas. Et tant que européen ça ne m’affecte pas, les débits d’alcool et nightclubs sont fermés, sauf pour les occidentaux dans les hôtels, si je veux aller me boire une bière pour mater un match de l’euro je peux le faire mais si je veux le faire avec un tunisien, non. Au début je pensais que c’était une interdiction légale mais on m’a dit que c’était culturel. Ce que je n’ai pu vérifier faute d’articles là-dessus.De toute façons parmi mes connaissance très peu boivent, ce qui fait que je ne bois presque plus depuis mon arrivée.

1er juillet

Le centre est fermé pour l’été, je suis donc en vacances pour le moment en attendant de partir en séjour avec le commissariat de la jeunesse, l’équivalent du ministère jeunesse et sport, qui est la seule offre s’apparentant a nos ACM. Du coup le programme c’est plage-bouquin-gratte. J’ai pu voir quelques relâchement en croisant un groupe d’hommes de tous âges fumer à l’abri des regards dans les fourrés a proximité de la plage.

6 juillet 2016 :

Aujourd’hui la vie a repris le cours de ce que j’ai pu connaitre quand je suis arrivé début mai, les cafés sont ouverts ce qui fait que je peux me connecter à Internet sans squatter le wifi d’un café fermé et m’attabler avec un thé avant 19h35. Je ne sais pas encore ce que je vais faire ce soir mais je pense que je vais aller me balader du coté de la grande mosquée qui était noire de monde tous les soirs pendant le mois de ramadan. Cet article fut long a écrire car je ne savais pas comment l’aborder. Du coup j’ai préféré vous conter des bribes de vie tirée du journal que je tiens depuis mon arrivée.

Aîd Mabrouk à tous les copains de Tunisie et de France.

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