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What is the purpose of your visit ?

Publié le jeudi 14 mars 2013

Le titre de ce post n’est pas anodin : il s’agit de la première question posée par les Israéliens à l’aéroport, aux contrôles de douane, lors de l’interrogatoire, aux checkpoints, bref dans pratiquement tous les endroits où l’on se fait contrôler et stopper.

Cynthia, Sonia et Marine connaissent parfaitement la réponse à cette question, préparée bien à l’avance lors de la formation et qu’elles ont dû mettre en pratique moult fois dans l’aéroport. D’abord, à la sortie de l’avion à 23h, par un jeune israélien, histoire de s’échauffer un peu. Puis aux contrôles douaniers, où elles ont dû passer une par une et expliquer la raison de leur voyage en Cisjordanie....euh...Israël. Malheureusement, l’une d’entre elles n’a pas passé cette étape.

Marine et Cynthia passent sans problèmes, expliquant qu’elles vont rester deux mois en Israël car Cynthia apprend l’hébreu, qu’elles vont visiter les monuments historiques et religieux, se balader dans la contrée, blablabla. Elles se retrouvent toutes les deux pour récupérer les bagages et attendent Sonia. Le temps passe et Sonia n’apparaît toujours pas. Quarante-cinq minutes plus tard, vers minuit, la voilà qui arrive accompagnée d’un éphèbe israélien qui parait fort sympathique, avant de réaliser ce qui veut se dérouler par la suite.

Sonia vient en effet de se faire interroger par une petite brune pince-sans-rire, qui d’après elle, a pris un malin plaisir à lui poser des questions sur sa famille. La raison de son passage à l’interrogatoire ? La femme (trop) maquillée du contrôle de douane avait tiqué sur son nom de famille, d’origine tunisienne. La première question qu’elle lui a tout de suite posée fut « Quel est le prénom de votre père ? » Un seul prénom arabe, et c’est la fin, le passage dans la salle d’attente puis dans une pièce étroite au néon où la brune a enchaîné les questions.

« Asseyez-vous, vous avez le temps ». Non pas vraiment. Il est presque minuit, et si un hôtel avait vraiment été réservé, les réceptionnistes ne les auraient pas attendues pour les accueillir.

« - Combien de temps vous restez ? 
- 2 mois
- 2 mois vraiment ? Qu’est-ce que vous allez faire pendant deux mois ?
 »

Etc etc, les mêmes questions mais posées différemment. Puis elle finit par demander son numéro de téléphone portable et fixe.

Revenons à l’éphèbe israélien, qui accompagne Sonia seulement pour récupérer Cynthia et Marine. Elles lui donnent leurs passeports,et se retrouvent dans la même salle d’attente, une pièce en mur de cabine de douche, avec une télévision qui passe les Guignols sous titrés en hébreu. Bizarre. Elles patientent, grignotent un peu et se rendent compte que le temps passe sans que personne ne viennent les chercher. En face d’elle, une Française qui vient passer un peu de temps en Israël car son frère travaille à Gaza, et une jeune Allemande épuisée, qui n’a pas l’air de comprendre ce qui se déroule. Elle est éveillée depuis plus de 24h, car son avion a été retardé à cause de la neige et n’est arrivé que tard dans la soirée. Elle venait juste pour deux semaines en Israël, pour voir des amis Israéliens et des amis d’amis pour visiter le pays. La jeune femme n’était pas préparée à l’interrogatoire et se voit questionnée sur ses contacts, qui ils sont, ce qu’ils font etc. Son visage est pâle et elle n’arrête pas de trembler. Elle n’a nulle part où dormir vu qu’il se fait tard et que son contact ne va pas rester éveillé toute la nuit pour l’attendre.

L’attente se fait encore longue et les filles décident de faire un amnésia pour détendre l’atmosphère, Il s’agit d’un jeu où il faut deviner le personnage écrit sur un papier collé sur son front. L’éphèbe revient une heure après leur arrivée dans la salle et elles se retournent avec écrit « Madonna », « Pinocchio » et « Cruella » sur le front.

«  Désolée de vous interrompre pendant votre jeu, mais je voudrais interroger Sonia . »

Sonia se lève et le suit pour se retrouver dans une des petites pièces blanches éclairées au néon.
Les mêmes questions s’enchaînent, notamment sur la généalogie :

« Où est-ce que votre père est né ? Quel est le nom de votre grand-père ? Où est-ce que votre mère est née ? »

Sonia explique que sa mère est Française et que son père vit en France depuis ses 19 ans. Il tape quelque chose sur son ordinateur, mais on ne peut savoir s’il tape ce qui est dit, où s’il s’agit d’intimider la personne, Avec étonnement, il ne lui pose aucune question sur la religion. Sans doute parce qu’il est clair pour lui que son père est musulman.

« Sonia (oui il appelle les gens par leur prénom, pour créer une proximité), que faites-vous comme études ? 
- J’ai fait une licence d’histoire,
- Où vivez-vous ?
- Nantes.
- Vous êtes célibataire ?
- Oui. »

Puis il lui demande ce qu’elle va faire ici, où est-ce qu’elles vont aller, avant de lui redemander son numéro et son adresse email.

C’est au tour de Marine. Il lui pose les mêmes questions sur sa généalogie, mais rien d’ « anormal » pour lui.

« -Quel est l’objet de votre visite ?
- Mon amie apprend l’hébreu et elle ne voulait pas venir ici toute seule, donc nous allons passer deux mois ici pour découvrir le pays.
- Que faites-vous comme études ?

- J’ai étudié la littérature et le journalisme.
- Comptez-vous aller dans les territoires palestiniens ?
- Non. »

Et là, le truc auquel elle n’a pas été préparée : « Dessinez-moi les territoires palestiniens.  » Assez déstabilisant en effet. Elle ne sait pas s’il faut rigoler ou rester calme.

L’éphèbe dessine une carte d’Israël et elle s’exécute, fait une sort d’ovale pour la Cisjordanie et un rectangle pour Gaza.

«  Très bien. Très bien. »

Vraiment ? En réalité, si elle devait réellement dessiner les territoires palestiniens, elle aurait fait des trous dans la Cisjordanie, mais il ne vaut mieux pas se risquer.

« - Deux mois c’est très long. Vous allez faire quoi ?  »
Et là toute enjouée, elle répond : « Oh, nous allons aller à Jérusalem, Tel Aviv, puis là au Lac Tibériade (elle montre sur la carte qu’elle vient de dessiner) , puis dans le désert de Néguev et puis... » « Ok ok c’est bon. »

Il en a clairement rien à faire. Tiens, il a vraiment d’énormes cernes sous les yeux.
Elle lui donne ensuite son numéro et son adresse email.

C’est enfin Cynthia qui se fait interroger. Les mêmes questions que les précédentes.
« -Quel est le nom de votre grand-père paternel ?
- Je ne sais pas.
- Comment ça vous ne savez pas ?
- Il est mort et je ne le connais pas. »

Elle n’aime pas trop cette intrusion dans sa vie personnelle. Elle décide alors d’adopter une technique infaillible lorsque celui-ci l’interroge sur son apprentissage de l’hébreu : « s’il veut connaître ma vie, alors je vais lui raconter ma vie ! »

«  -Pourquoi vous venez en Israël ?
- Parce que je suis débutante en hébreu et aussi parce que c’est mon anniversaire samedi, je vais avoir 23 ans et... 
- Félicitations. Ecrivez moi un mot en hébreu. 
 »
Elle lui écrit le mot « mot ».
« - Bien. Pourquoi vous apprenez l’hébreu ?
- Parce que je voulais changer de l’anglais et de l’allemand.
- Mais on étudie pas quelque chose pour que cela nous serve après pour notre métier ?
- J’ai étudié le droit et j’apprends l’hébreu pour mon plaisir personnel. J’ai deux petits frères, un étudie le chinois et l’autre le japonais donc je voulais étudier une autre langue que celles qu’on étudie à l’école. 
- Ok ok.
 »

La technique a marché. Ses cernes ses dessinent de plus en plus.

«  Il faut comprendre que Israël est un pays sensible. C’est la raison pour laquelle les contrôles sont assez durs mais qu’il ne faut pas se vexer ou s’énerver. Dites à vos amis de ne pas s’énerver. Je finis les formalités et je vous redonne vos passeports. Cela ne va pas prendre beaucoup de temps. »

« Pas beaucoup de temps. » La notion du temps est peut-être un peu différente pour les Israéliens, car les filles patientent encore une heure dans la salle d’attente. Elles en voient passer des vertes et des pas mûres, des personnes qui se font directement interrogées dans la salle d’attente et d’autres qui ne parlent ni l’hébreu ni l’anglais et paraissent terrifiées. L’éphèbe passe et repasse dans la salle, les regardent, appellent d’autres personnes, mais ne leur dit rien. C’est la brune pince-sans-rire qui revient avec leurs passeports. Il est 3h du matin, elles sont libres. Quant à la jeune Allemande, elle reste encore captive dans la salle d’attente à attendre le sien. Les traits tirés, elle leur jette un sourire qui veut dire « Vous avez de la chance. » Entre internationaux, on se comprend.

Sonia, Cynthia et Marine

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