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Toubab

Publié le Wednesday 4 May 2016

« Ca fait vingt ans que je viens au Sénégal »
Mais, on s’en fou que tu viennes depuis 3 jours, 6 mois 40 ans, ce qui compte c’est comment tu as occupé ton temps sur place, et non le « nombre d’heures cumulées » sur le territoire. Remarque perso, de tous ceux qui m’ont dit ça, aucun de parlaient wolof.

« J’ai construit une école »
Tu as fait le ciment ? Tu as porté les parpaings sous 42° ? Non, tu n’as pas construit une école, tu as donné des sous.

« J’ai lavé des talibés et je leurs ai donné des chaussures»
Si personne ici ne le fait, t’es-tu demandé pourquoi ?

La multitude de projets de développement qui poussent au Sénégal, sans pour autant aboutir, changent les rapports humains entre français et sénégalais. Il y a un rapport à l’argent qui pervertis les représentations que l’on a les uns des autres, une sorte de hiérarchie qui s’installe automatiquement. Il faut un certain temps pour passer au-delà de ces barrières.

C’est souvent dans le cadre du travail/projet de développement que certains comportements m’exaspèrent. Face aux nombreux échecs, souvent c’est : « Ils ne veulent pas comprendre »
« Ils savent pas » « Ils connaissent pas » « Faut tout faire pour eux »
C’est sûr que c’est plus facile de faire cette conclusion que de se remettre en question.
Sans sortir de leurs normes européennes, j’ai entendu plusieurs fois des français engueuler des sénégalais parce qu’il est en retard, parce que le sol de la classe n’est pas droit, parce qu’il n’y a pas de carreaux aux fenêtres... Travailler ailleurs comme si on était chez soi, ce n’est pas possible.

Ce qui m’énerve le plus, c’est cette posture de flic qu’adoptent beaucoup de français. Il faut surveiller que l’argent n’est pas détourné, vérifier que le travail est bien fait, faire une délégation pour regarder si les travaux sont respectés, faire un tour d’inspection. Obliger le.a collègue sénégalais.e à rédiger le rapport, à rendre en temps et en heure, il ne faut surtout pas attendre. Il ne faut pas perdre du temps. Le temps c’est de l’argent.
Souvent, tous ces intervenants du développement mettent les collègues sénégalais.e.s dans une posture infantilisante, donc une forme de domination. Selon moi, le nombre conséquent de projets qui n’aboutissent pas viennent de ce fait que la population ne s’approprie pas les projets mis en place dans leur environnement car les ONG ne font rien pour. Les toubabs viennent et constatent les besoins, il les définissent par eux-mêmes sans consultation des habitants, ça vient d’en haut. On est dans le faire-pour et peu dans le faire-avec. Même des assos qui se réclament d’embaucher un « staff national » j’ai remarqué que souvent les postes à responsabilités sont majoritairement occupés par les toubabs.
C’est dans cette logique je perçois le néo-colonialisme au Sénégal.

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