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Elles sont loin les cartes postales...

Publié le dimanche 6 juillet 2014

A l’annonce de mon départ en Tunisie, j’ai parfois du préciser que je ne partais pas dans la Tunisie des cartes postales, palmiers, plages et compagnie.
Et il s’avère que quand je choisi un lieu de détente, de coupure, de vacances à la mer, de dépaysement de Gafsa, de préventif anti-gafsite, les cartes postales d’Hamamet et de Djerba ne me font pas rêver. Mais depuis mon arrivée, les îles Kerkennah m’intriguent. A regarder des photos et lire des papiers dessus, cet archipel me paraît prometteur : très peu touristique, calme, reposant, loin de la carte postale classique de Tunisie justement, un peu sauvage même.
Pour autant, les copain-es d’ici ne me l’ont jamais conseillé dans leurs recommandations de destinations à la mer, et quand on (B,R et moi) leur a annoncé qu’on y partait pour trois nuits (qui deviendront une seule)… quelques-un-es n’ont pas semblé comprendre le pourquoi. « Ca se fait en une journée Kerkennah ! Y a des endroits beaucoup plus beau ici et là. » Oui eh bien nous on a très envie d’aller découvrir Kerkennah. L’apprendre par le faire !

2h30 de louage et nous voilà sur le port de Sfax, on embarque sur un gros bateau, l’équivalent de ceux qui desservent les îles bretonnes. Il semblerait que nous ne voyagions qu’en compagnie de tunisien-nes. Je regarde le port de Sfax s’éloigner, et qu’est ce qu’on trouve sur le littoral sfaxien ??? Une montagne de phosphate, et toute l’industrie de traitement et transformation chimique, ainsi que tout le dispositif d’exportation de cargaison par la mer. Le phosphate est partout. C’est exactement la même montagne que celle de Mdhila, certainement la même que celle de Gabès ou encore de Skhira. Tout le mic-mac de hangar et de tapis roulant est exactement le même qu’à Mdhila, la même infrastructure, mais les pieds dans l’eau. Et cette fois il n’y a qu’une montagne, pas besoin de la seconde constituée de déchets et à l’intérieur de laquelle on reverse les résidus chimiques qui vont s’infiltrer dans le sol. Ici tout va directement dans la mer. Plus simple.
Plus on s’éloigne et plus le nuage orangé qui flotte au-dessus de Sfax et notamment la zone industrialo-portuaire, me semble clair. Un ciel qui me rappelle celui de Mdhila.





Mais nous allons vers le large, vers l’horizon bleu, vers les vacances. Derrière nous le phosphate, ca suffit, arrête de nous suivre. Iizi le phosphate.

Kerkennah …
Nous débarquons à Sidi Youssef et devons nous rendre à Sidi Fredj, à l’autre bout de l’île, ou se trouve notre hôtel, dans la même zone que les cinq autres hôtels de l’île. Un taxi collectif nous conduit sur notre petite trentaine de kilomètre, pendant lesquelles l’étroitesse de l’île signalée dans les livres se confirme. Nous la traversons presque de bout en bout. Nous passons la voie romaine qui relie l’île Gharbi à celle de Chergui, les deux principales îles de l’archipel, auxquelles s’ajoutent une douzaine d’îlots. Sur la route : paysages rudes, plats, secs, palmiers parsemés tout du long, jaune, gris, vert pâle, bateaux de pèches, bouchots, quelques petites villes, peu de commerce, palmiers, mer …
On croise aussi beaucoup de maisons en court de construction. Certaines on l’air de l’être depuis des années, et donne l’impression qu’elles ne seront jamais « terminées ». Certaines sont immenses et relèvent plus de la villa secondaire de riches continentaux.
Le taxi nous largue devant notre hôtel. Autour de nous ? Rien ! Un jolie route goudronnée comme on en voit peu dans le bassin minier, des hôtels, et des genre de terrains vagues parsemés de palmier.

On se pointe devant l’imposant portail en bois, la barricade presque. Personne, ça a l’air fermé. On commence à s’avouer que cette île a des airs de désolation, d’île morte. On appelle le numéro, bref, la porte automatique fini par s’ouvrir.
Nous sommes dans un hôtel de taille, piscine, chevaux, grand terrain, restaurant, discothèque, boutiques, chambres en genre de petits bungalows ronds, bord de mer les pieds dans l’eau, bar en bord de piscine … C’était le moins cher, et en plus il avait une piscine !
Mais nous sommes surtout dans un hôtel fantôme. Il n’y a pas un seul client, personne. On insiste pour être surs qu’ils n’ouvrent pas que pour nous. Non non, bienvenus. A part la piscine qui est bien là, remplie, tout est mort, désert. L’enseigne « boutique » est toute poussiéreuse, et je serais curieuse de voir l’état de la piste de danse … quelques moustiques s’y retrouvent peut-être pour swinguer, et encore. La plage de l’hôtel est décorée d’un parasol en paille oublié qui grincent au grés du vent, de pneus, et d’une barque accidentée et rongée par le sel au fil du temps...
On dirait un grand jeu symbolique, ou alors un hôtel où il se serait passé des choses horribles , ou alors un décor parfait pour film d’horreur.

En fait, on est tout simplement en plein ramadan, sur une île très peu touristique à la base, et ce en pleine crise du tourisme en Tunisie.
Alors si les hôtels d’Hamamet ont du mal à se remplir, on peu imaginer la complexité à faire venir le badaud à Kerkennah. Par contre, ici le gérant nous parle de pénurie de saisonnier … alors que les copains habitués à faire les saisons sur la côte tunisienne parlent plutôt d’une période très compliquée pour trouver du boulot. Mais pour eux Kerkennah n’est pas synonyme de travail mais de départ…

En fin de journée, nous tentons une percée vers la civilisation îlienne, en vain. Nous marchons pendant un moment sur cette jolie route goudronnée … croisons quelques hôtels et des palmiers, les uns les autres parsemés au hasard de la steppe. Rien. Une zone touristique morte. Quelques pick-up nous dépassent. Nous ne croisons pas un touriste, pas de piétons.
Ca me donne l’impression qu’il y a une trentaine d’année l’île était vide, ou juste habitée des quelques villes que nous avons croisées. Et qu’avec la montée du tourisme, des gros propriétaires ont investis dans l’hôtellerie ici, ont construit dans cette zone, sans tenir compte de la palmeraie qui était la bien avant eux. Et aujourd’hui, cette palmeraie morcelée ressemble d’avantage à des bouts de terrains vagues entre les hôtels. Le tout dans une ambiance très fantomatique.
Et puis on peut aussi se dire que ce sont vraiment des gros propriétaires qui les tiennent ces quelques hôtels, parce qu’ils sont clairement déficitaire… mais on peu imaginer qu’ils en possèdent quelques-uns à Hamamet, Essaouira ou je ne sais ou encore, qui leur permettent de garder ceux de Kerkennah ouverts, dans le doute… !

Nous croisons aussi plusieurs voitures/camions de police. Ils ont l’air dans l’urgence.
Et bien qu’aillant ces récits de départ en trame de fond depuis le début de la journée, ils prennent toute leur ampleur à ce moment là. Je parle des récits d’un ami qui a tenté la traversée de la Méditerranée vers l’Italie au départ de Kerkennah, comme d’autres le font très régulièrement, clandestinement.
Il m’a raconté qu’il avait passé 6 ou 7 jours sur Kerkennah avant d’embarquer, mais qu’il n’avait rien vu de l’île. Arrivé de nuit, barricadé plusieurs jours avec d’autres compagnons de mer, avant d’être sortis par le passeur, de nuit, vers l’embarcation. Tout ca avant de se faire attraper par la police. Ça doit d’ailleurs être sa principale occupation à la police de Kerkennah : jouer au chat et à la souris (ou au pêcheur et au poisson...) avec les départs illégaux par la mer.

Je pense clairement que ces récits, cumulés à l’aspect désertico-fantomatico, ne m’ont pas donné une vision objective de Kerkennah.
Et puis ce phosphate qu’on ne quitte jamais très longtemps, toujours présent ici ou là, d’une manière ou d’une autre, qui vient casser la ligne d’horizon avec sa montagne poussiéreuse et son industrie …Retour à Sfax.

Ca c’est sur, elles sont loin les cartes postales.


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